« Je pense que la signification de l'œuvre réside dans l'effort pour la faire, non dans les
intentions que l'on a. Cet effort est un état d'esprit, une activité, une interaction avec le
monde ». Richard Serra
J'ai découvert le travail d'Azarias, lors de son exposition au Pasino de Saint-Amand-Les-
Eaux en septembre 2017. Ce qui frappe tout de suite, derrière l'apparente simplicité de
la démarche plastique, c'est la technicité au service d'un retour à l'Essentiel.
Si l'on occulte la problématique du cadre et du format qui évolue en fonction de
l'avancement de la réflexion du plasticien, on se retrouve confronté, en tant que
« spectacteur », à une expérience atypique. Nous sommes en présence de peinture qui
déborde dans l'espace, une peu comme si on se retrouvait pour la première fois devant
« Expansion » de César.
La peinture d'Azarias accroche l’œil, et nous plonge littéralement dans les méandres de
ces accumulations, couche pas couche, épaisseur par épaisseur. Son monde n'est pas un
monde dangereux. Les formes rondes, oblongues et ovoïdes qui se superposent nous
entraine irrémédiablement dans une vacuité contemplative. Les couleurs entre elles nous
permettent de passer d'une couche à l'autre, sans danger. Le travail pictural d'Azarias
ne relève pas d'un questionnement ni d'une une introspection expressionniste. Sa
peinture nous propose un parcours, une chemin... Enfin plusieurs chemins, peut être
même une infinité... Chacune des voies empruntée se livre un peu comme un « Sfumato »
à nos yeux plutôt qu'une perspective aérienne flamande.
Alors, oui, j'y vois bien les réminiscences d'un art abstrait à la manière d'un Hans Arp qui
aurait multiplié les couches de « moustaches » tout comme « les rythmes colorés » de
Sonia Delaunay avec ce souci du sculpteur accumulateur et de la technicité en plus.
Toutes les formes sont découpées à la perfection et c'est bien de perfection qu'il faut
parler puisque l'auteur l'évoque lui même. Azarias cherche la « perfectibilité »
plastique et picturale comme process de son questionnement plastique.
Les nouvelles technologies, les découpes laser, l'aide sans aucun doute, mais ce n'est
pas là son « Essentiel ». Il est aussi au service de la couleur, enfin des couleurs qu'il
additionne, et superpose pour créer une sorte de temporalité chromatique qui pourrait
aussi évoquer la frise historiée d'un bas relief antique.
Et comment ne pas évoquer la résurgence très identifiée au courant artistique Steampunk.
Un peu à la manière d'un Bertrand Lavier qui reproduit des sculptures issues d'un
« Journal de Mickey », on imagine très bien qu'une des œuvres d'Azarias ait pu se
glisser dans un épisode « d'Albator » (Harlock), ou dans une séquence des « Gardiens de
la Galaxie ».
Chaque voyage pictural et sculptural qu'il nous met « entre les yeux » se construit comme
une araignée tisse sa toile : méthodiquement, avec un sens de la perfection chromatique
assemblée qui nous laisse en suspens dans un univers fait de verticalité, de sphères et
d'écume.
Jules Renard écrivait en 1938 : “Quelques gouttes de rosée sur une toile d'araignée, et
voilà une rivière de diamants. Transposons ici la rosée en peinture comme une valeur
ajoutée et transformons la rivière de diamants en nous rappelant qu'il ne s'agit plus ici de
gouttelettes d'eau, mais d'une offrande d'eau et de pigments.
Cédric Verlynde
Directeur de l'École d'Art de Mortagne-du-Nord

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